L’autorité parentale

  • Introduction
  • Article de la revue « Vita » : « L’Autorité, connaît pas »
  • References

INTRODUCTION

Vous trouverez ci-dessous une retranscription de l’article publié dans la revue « Vita » en octobre 2010, à la suite d’une rencontre avec le pédopsychiatre Michael Winterhoff, qui se penche sur les conséquences du manque d’autorité parentale dans nos sociétés modernes et son impact sur le développement psychique de nos enfants.

Notre motivation à être de bons parents, à soutenir nos enfants dans leur développement, peut être une bonne occasion d’accroître notre propre développement psychique et celui de nos enfants: 1) les contraintes et les difficultés que nous font vivre nos enfants ou que nous faisons vivre à nos enfants nous procurent un environnement favorable à améliorer notre capacité à nous calmer ; 2) le défi que pose la vie familiale, de se créer une vie où chacun sent que ses besoins sont traités avec considération, qui demande parfois de faire certains compromis ou de renoncer à certains plaisirs, prioriser par moments du temps de qualité ensemble, nous confronte à développer nos forces intérieures comme la souplesse (se décentrer de soi) et une attitude positive et créative face aux situations de conflit ; 3) notre désir de soutenir nos enfants dans leur développement, qui s’échelonne sur de nombreuses années et qui comporte plusieurs étapes, ainsi que les efforts que nous demandons à nos enfants pour respecter nos besoins et ceux des proches, nous entraînent à développer la patience, la tolérane et la persévérance.

Voici en quelques lignes, le message que veut nous transmettre Michael Winterhoff dans son livre qui s’intitule Pourquoi nos enfants deviennent des tyrans. L’échec de la relation adulte-enfant: « Dans cet ouvrage, il sera question de structures, de limites ou de dispositifs, ceux-ci ne contredisent nullement la nécessité d’interactions aimantes et bienveillantes avec l’enfant. Seule la combinaison de ces deux composantes permet le développement de toutes les facultés indispensables aux enfants pour qu’ils puissent mener à bien leur vie ». (p.39)

L’AUTORITÉ ? / CONNAÎT PLUS ?

FIXER DES LIMITES, EXIGER OU RÉPRIMANDER NE FIGURE PLUS AU PROGRAMME DE LA PARENTALITÉ MODERNE. C’EST CE QUE CONSTATE LE PÉDOPSYCHIATRE MICHAEL WINTERHOFF DANS SON ESSAI POURQUOI NOS ENFANTS DEVIENNENT DES TYRANS. POUR L’AUTEUR, IL EST URGENT DE REMETTRE LES ADULTES – ET LES ENFANTS – DANS LA BONNE VOIE.

J’ai déjà vu une mère vouloir enseigner le fonctionnement d’un guichet automatique à sa fillette de 3 ans. Je me souviens aussi d’un père qui, devant l’insistance de son fils de 5 ans, l’a emmené à la piscine extérieure…même s’il pleuvait ! Le bon sens parental serait-il en voie de disparition ? On en a l’impression en lisant le plus récent ouvrage de Michael Winterhoff, publié chez Ixelles éditions.

Le principal problème selon lui ? La façon qu’ont les adultes de traiter les enfants en égaux. Et par surcroît, de penser qu’un enfant, ça apprend par lui-même, que ça se forme tout seul, qu’il suffit d’attendre et d’être patient. Grossière erreur, affirme sans ambages le pédopsychiatre allemand, qui voit défiler dans son cabinet de plus en plus de gamins et d’adolescents « ingérables », victimes d’adultes ayant voulu combler tous leurs « besoins »… et esquiver tout conflit. Résultat : des jeunes de 10 ans agissent comme des bambins de 2 ans ! Ils n’ont pas été entraînés à intégrer des règles simples comme la politesse, le respect des autres ou même l’habitude de répondre quand on leur parle. Trop gâtés et pas assez contraints à l’effort, ils accusent des retards sur tous les plans (psychique, moteur, langagier et affectif). D’où l’urgence de remettre les enfants à leur place et, pour les parents, de reprendre la leur, enjoint Michael Winterhoff. Entrevue avec cet expert, qui bouscule plusieurs idées reçues sur l’éducation.

Prenons le cas d’un petit garçon qui passe devant un dépanneur et réclame des bonbons. Sa mère refuse en lui rappelant qu’elle lui en a acheté la veille. L’enfant ignore sa réponse et entre dans le magasin. Sa mère le suit. Elle est en colère mais achète tout de même les friandises. A-t-elle mal réagi ? Il est toujours embêtant de se prononcer à partir d’un exemple. Néanmoins, je dirais qu’il y a ici confusion dans les rôles. La mère ne semble pas bien comprendre sa fonction de parent. Elle croit régler la situation en expliquant d’abord à son fils pourquoi elle ne peut pas acheter des bonbons alors qu’elle aurait dû, en premier lieu, établir clairement que sa réponse était « non »… Ce qui ne l’empêche pas de donner par la suite une explication. Celle-ci ne devrait toutefois jamais influer la réponse initiale de la mère.

De tout temps, certains parents ont eu affaire à des enfants ou des adolescents « difficiles ». Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui dans leurs rapports ? Ce que je remarque, dans ma pratique, c’est qu’il y a davantage d’enfants qui n’ont pas franchi les étapes normales d’un sain développement psychique, qui suppose d’apprendre à affronter positivement les exigences de la vie. Sur ce plan, ils sont restés à un niveau inférieurs à leur âge. Voilà où se situe, selon moi, la grande différence.

Que pouvons-nous faire pour que nos enfants se développent le mieux possible ? Il est difficile de répondre en quelques mots à question pareille. Je peux cependant vous dire que l’essentiel repose sur le fait de considérer les enfants comme des enfants et non comme des adultes miniatures ayant voix au chapitre. Il faut savoir faire cette distinction-là.

Devrions-nous, comme parents, apprendre à imposer davantage nos limites, à dire « non » sans argumenter, négocier ou expliquer ? Pour moi, la question n’est pas d’apprendre à faire ceci ou cela. Si on prend l’enfant pour ce qu’il est, on sait déjà, en tant que parent, qu’il faut lui dire non dans bien des occasions !

Jusqu’à quel âge peut-on encore agir s’l y a un retard ou une carence quelconque dans le développement psychique d’un enfant ? Plus l’enfant est âgé, plus il devient difficile d’influer sur le processus de maturation. À 16 ou 17 ans, je dirais que c’est pratiquement impossible. C’est à partir de 3 ans, alors que le petit réalise qu’il n’est pas seul au monde, qu’on commence à exercer une influence significative sur son développement psychique.

Que conseillez-vous aux gens qui souhaitent changer leurs rapports avec leurs enfants ? La première chose à faire serait de s’observer comme parent. Comment vous comportez-vous avec votre enfant ? Le traitez-vous comme s’il était votre égal ou votre partenaire ? Estimez-vous plutôt qu’il est trop jeune pour que vous ayez ce type de relation avec lui ? Il faut d’abord répondre à ces questions fondamentales.

Dans votre livre, vous écrivez que les parents d’aujourd’hui essaient trop de comprendre leurs enfants, alors qu’ils n’auraient qu’à se fier à leur intuition pour savoir comment les élever. Doit-on en déduire qu’en chaque adulte se cache un instinct parental qu’il suffit de laisser resurgir ? Premièrement, je ne dis pas comment il faut élever ses enfants. Ce n’est pas mon travail. Tout ce qui m’intéresse, c’est le développement psychique, et celui-ci ne peut se faire correctement sans l’intervention et l’influence des parents. Effectivement, chaque mère et chaque père portent eux-mêmes ce qu’il faut pour éduquer leurs enfants. Malheureusement, cette faculté semble en voie de disparaître…C’est un problème propre aux sociétés prospères où l’adulte, trop sollicité par son environnement, tend à se perdre lui-même ou à perdre ses repères.

Si nous ne changeons pas notre façon d’agir avec nos enfants, à quel genre d’adultes risquons-nous d’avoir affaire dans l’avenir ? Eh bien, ce seront de jeunes adultes qui ne voudront même plus sortir de la maison ! Ils préfèreront regarder la télé, jouer à leurs jeux vidéos et s’installer devant l’ordinateur. Tout ira bien tant que leurs « jouets » ne flancheront pas… Mais si leur joujou se brise, ils ne seront pas capables de faire face à la situation.

Comme c’est un problème de société et pas seulement d’autorité parentale, cela ne rend-il pas la situation encore plus difficile à changer ? Les parents font eux-mêmes parties de la société, ils ne peuvent donc pas toujours échapper à son influence. Reste que le changement d’attitude est toujours possible, car cette transformation passe d’abord par soi. Il suffit de se « reconnecter » à son intuition et, à partir de ce moment-là, on voit ses enfants comme des enfants, justement.

Que diriez-vous aux parents qui tentent de résister aux pressions sociales ou publicitaires, qui envoient souvent des messages contradictoires aux enfants ? Qu’il importe avant tout de s’écouter soi-même et de mettre en pratique les valeurs auxquelles on croit et qu’on juge bonnes pour nos enfants. Rappelez-vous aussi que votre enfant n’est pas votre partenaire. C’est à vous de lui fournir l’orientation et le soutien dont il a besoin pour grandir, et c’est à vous de la protéger des mauvaises influences. C’est ça, le travail du parent.

Pour que les parents comprennent l’urgence de renouer avec leur intuition et leur rôle d’autorité limitative face aux enfants, quel argument leur donneriez-vous ? En réponse à cette question, je peux vous donner une seule et bonne raison : voulons-nous continuer de vivre dans une société relativement harmonieuse et paisible ? Si oui, il est impératif d’entraîner les enfants à affronter la vie en assurant leur développement psychique. Or, cela ne peut se faire que si nous revoyons notre relation avec eux et que nous arrêtons de les prendre pour ce qu’ils ne sont pas, c’est-à-dire des égaux, des partenaires ou des adultes miniatures.

RFFERENCES

Winterhoff, Michael, Pourquoi nos enfants deviennent des tyrans. L’échec de la relation adulte-enfant, éd. Ixelles, 2008.

Pour en savoir plus sur l’autorité parentale mais aussi sur tous les problèmes auquel est confronté un parent d’adolescent, je vous recommande le livre suivant :

Boisvert, Céline. Parents d’ados. De la tolérance nécessaire à la nécessité d’intervenir. Hôpital Sainte-Justine, 2003.

Ce livre aborde les sujets suivants et les problèmes qui y sont reliés :

  • L’adolescence vue comme une étape du développement ;
  • Les transformations du corps ;
  • Les transformations sur le plan relationnel ;
  • Les transformations sur le plan de la pensée ;
  • L’Identité ;
  • Adolescence et santé mentale.