CE QUE LA RECHERCHE NOUS APPREND

La dépression

La dépression est la maladie mentale la plus soignée au monde : 10 à 25% des femme en seront atteintes au cours de leur vie et 5 à 12% des hommes (American Psychiatric Association, 2000). Les femmes sont donc deux fois plus sujettes que les hommes à vivre un épisode dépressif au cours de leur vie. L’hypothèse la plus valable pour expliquer ce résultat est la tendance à réguler les émotions de façon différente chez les hommes et les femmes et qui rend ces dernières plus vulnérables en situation de crise.

20% du budget alloué pour la santé mentale aux Etats-Unis est utilisé pour soigner les troubles dépressifs (Stewart, Ricci, Chee, Hahn, & Morganstein, 2003).

Les statistiques démontrent que 16% de la population générale vivra une dépression diagnostiquée cliniquement au cours de sa vie (Kessler et al., 2005).

De plus, la dépression peut être un désordre récurrent ou chronique.

Kessler et al. (2003), ont évalué qu’entre la moitié et 2/3 des personnes qui ont eu un diagnostic de dépression vont avoir au moins un autre épisode de dépression au cours de leur vie.

50% des individus qui ont une dépression souffrent également d’anxiété. Le taux de co-mobidité de dépression et de problème de dépendance à l’alcool et/ou drogues est de 44% (Miller, Klamen, Hoffmann, & Flaherty, 1996) et est également élevé avec l’anxiété sociale (agoraphobie, phobie sociale) (Fava et al. 2000) et avec le trouble de personnalité limite (Lenzenweger, Lane, Loranger, & Kessler, 2007). Le plus important à souligner est que la dépression est associée à une augmentation du risque de suicide. (Berman, 2009).

La combinaison « prévalence et taux de rechute élevés » est préoccupante parce que la dépression est une source de grande souffrance pour les individus qui en sont affligés et pour leur famille également. Selon l’Organisation de la Santé Mondiale, la dépression est la première cause de dysfonction en regard de tous les troubles physiques et mentaux (Lopez & Murray, 1998).

Les troubles de l’humeur dépressive sont associés à un risque de suicide élevé (Kessler, Borges, & Walters, 1999) et un risque de mortalité plus élevé lorsque combinés à une maladie physique comme le cancer de la prostate, cancer du sein et les maladies cardiovasculaires (Carney, Freedland, Rich, & Jaffe, 1995 ; Kiecolt-Glaser, McGuire, Robles, &Glaser, 2002 ; Leserman et al., 1999).

Les anti- dépresseurs

La dépression est la première cause d’arrêt de travail, de baisse de productivité et d’augmentation des coûts de frais de santé, depuis le début des années 90 aux États-Unis. Parmi ces individus, il y a eu une augmentation au niveau de la prise d’anti-dépresseurs de 37,3% en 1987 à 74,5% en 1997 et un déclin du suivi psychothérapeutique de 71,1% (1987) à 60,2%. Ces tendances proviennent de l’introduction et la promotion des ISRS et de la prolifération des PAE et des compagnies d’assurance qui limitent le nombre de visites et exercent une pression pour réduire les coûts.

Depuis 1997, le nombre de personnes traitées par des anti-dépresseurs demeure inchangé et est en déclin pour la psychothérapie, ce qui indique qu’un nombre important de personnes qui souffrent de dépression ne reçoivent aucun traitement pour leurs symptômes.

Les résultats des études démontrent qu’il n’y a pas de différence significative au niveau de l’efficacité entre les ISRS et les nouveaux anti-dépresseurs sur le marché. Les variations dans les ISRS prescrits par les médecins sont reliées aux campagnes de marketing des compagnies pharmaceutiques. Réf. : Marcus, Steven C., PhD & Olfson, Mark, MD, MPH. National trends in the treatment for depression in Archives of general psychiatry, vol.67, no.12.

Le traitement de la dépression

Les traitements utilisés pour soigner la dépression (pharmacothérapie et TCC) affichent des bons taux de réussite, mais les rechutes sont cependant très élevées, ce qui semble démontrer que les effets bénéfiques à long terme ne sont pas du tout ce qui était espéré (Keller & Boland, 1998). Ces résultats diffèrent pour les troubles anxieux où les bénéfices d’une thérapie et d’un traitement pharmacologique sont durables à long terme. Hollon et al. (2006) rapportent des taux inférieurs à 5% de rechute six mois après l’arrêt d’un traitement pour l’anxiété alors que les taux sont presque de 20% pour la dépression.

Considérant le fait que la dépression est souvent un trouble chronique, que 70% des personnes qui souffrent de dépression ont des épisodes récurrents (Kessler, McGonagle, Swartz, Blazer, & Nelson, 1993) et que les chances de vivre un autre épisode de dépression augmentent à chaque épisode de dépression, nous devons rechercher les traitements où les bienfaits sont plus durables. Les traitements qui traitent directement les symptômes (comportements dysfonctionnels) apportent des résultats bénéfiques à court terme mais affichent des taux de rechute élevés (Williams, Healy, Teasdale, White, & Paykel, 1990).

Les traitements qui portent leur attention sur les facteurs de vulnérabilité (pensées négatives, distorsions cognitives, patterns émotionnels dysfonctionnels) diminuent les risques de rechute (Joormann et al. 2008).

Les personnes déprimées ont de la difficulté à se détacher des contenus de pensée à teneur négative. La tendance à ruminer est correlée positivement avec la dépression. (Joormann et al. 2007)

La tendance à ruminer est associée à une humeur de plus en plus triste. Elle entraîne un état de dépression majeure lorsque celle-ci est combinée à une diminution des affects positifs durant une longue période (Joormann & D’Avanzato, in press ; Barlow, Gross & Munoz, 1995).

Les données de recherche les plus récentes en ce qui concerne la dépression mettent l’emphase sur la tendance à prolonger les affects négatifs chez les gens dépressifs et l’utilisation de stratégies qui ne favorisent pas la régulation des émotions négatives (Joormann et al. In press ; Nolen-Hoeksema et al., 2008). Le travail thérapeutique devrait prioriser le développement de stratégies qui favorise la régulation des affects soient le devoilement de soi (NDL : prendre sa place de façon respectueuse) et le développement d’une perception nuancée et positive (ex : voir les difficultés comme des défis plutôt que des menaces) et la diminution des autres stratégies qui favorisent les tensions internes, c’est-à-dire la rumination, les pensées catastrophisantes, la culpabilisation, l’agrippement aux autres, etc. (Campbell-Sills, Barlow, Brown & Hofman, 2006 ; Garnefski & Kraaij, 2006 et 2007; Gross & John, 2003).

Note personnelle : La capacité de tolérer les tensions (moduler l’affect, l’auto-régulation) est l’élément le plus difficile et le plus important de notre développement psychique. La déficience à se réguler est à la base de tous les problèmes mentaux, qui diffère selon les stratégies utilisées par la personne face à cette déficience ou comment celle-ci se manifeste en fonction de la personnalité et du contexte de vie. Lucie Dufour

La rumination affecte positivement la production de cortisol et augmente le niveau d’activation du métabolisme. Des taux de cortisol élevés entrave le fonctionnement de certaines régions du cerveau responsables de la régulation des émotions (cortex préfrontal et amygdale) et de ce fait, affecte notre capacité à composer avec le stress (Sapolsky, 2000).

La distraction affiche de bons résultats dans la réduction des indices physiologiques du stress (Vickers, Vogeltan-Holm, 2003) et des symptômes dépressifs (Nolen-Hoeksema, Morrow, & Frederickson, 1993). La distraction utilisée sur une base permanente, n’apporte cependant pas de résultat positif à long terme, au niveau de la dépression et de l’anxiété, car elle entrave la résolution des problèmes (Gerin, Davidson, Goyal et al.,2006 ; Campbell-Sils & Barlow (2007) ; Kross, Ayduk, & Mischel (2005).

La suppression de l’expression des émotions est associée à moins de support des proches, moins de satisfaction au plan social and un repli sur soi (Srivastava, Tamir & al. 2009) et peut jouer un rôle important dans l’apparition et la maintenance de symptômes dépressifs (Wenzlaff, Rude & al., 2002 & 2001).

La capacité à nuancer sa perception de façon positive est associé à un état de mieux-être, moins de symptômes dépressifs, une meilleure tolérance au stress, un bon fonctionnement interpersonnel (Gross & John, 2003 ; Joormann & Gotlib, 2010 ; Wisco & Nolen-Hoeksema, 2010).

Pour en savoir plus sur le traitement de la dépression, voir ci-bas « Facteurs de succès de la thérapie. »

Le suicide

Il faut savoir que 1068 personnes se sont enlevées la vie en 2009 au Québec. 3 suicides sur 4 sont commis par des hommes. 3000 personnes s’enlèvent la vie à chaque jour dans le monde, soit plus d’un million de personnes par année. À ce nombre, s’ajoutent également 10 à 20 millions de personnes qui font une tentative de suicide chaque année.

Le sommeil

Saviez-vous que les troubles de sommeil affectent 40% des Canadiens, selon une étude dirigée auprès de 2000 personnes, par le psychologue Charles Morin et son équipe de chercheurs de l’Université Laval à Québec, dont les résultats ont été présentés au congrès annuel de l’Association mondiale pour la médecine du sommeil en septembre 2011. Afin d’être reconnus comme souffrant de troubles du sommeil, les participants devaient avoir éprouvé au moins 3 fois par semaine au cours du dernier mois l’un des symptômes de l’insomnie : mettre plus de 30 minutes à s’endormir ; avoir des périodes d’éveil excédant 30 minutes pendant la nuit ; se réveiller au moins 30 minutes avant l’heure prévue.

Quatre personnes sur 10 ont signalé l’un ou l’autre de ces problèmes. Le chercheur Charles M. Morin suit depuis 10 ans des gens atteints de divers troubles du sommeil. Il explique que les femmes sont deux fois plus nombreuses à en souffrir. De plus, les troubles du sommeil augmentent dans la quarantaine et s’accentuent avec le vieillissement. « Les jeunes adultes ont tendance à avoir de la difficulté à s’endormir. Plus tard vers 40 ou 50 ans, ils ont de la difficulté à rester endormi. Et les aînés ont plutôt des problèmes de réveil précoce, vers 4 heures, avec de la difficulté à se rendormir.

Les francophones sont plus enclins que les anglophones à se faire prescrire des somnifères (13% comparativement à 9%) et des produits naturels (16% comparativement à 7%). Les francophones ont probablement tendance à chercher une solution rapide à leur problème de sommeil, avance monsieur Morin. Mais c’est peut-être aussi parce que les omnipraticiens francophones sont plus ouverts à prescrire des somnifères ».

Comparativement à l’Ontario, le Québec accuse un net retard dans le traitement de l’insomnie. En Ontario, il existe plus d’une centaine de cliniques du sommeil ; il y en a à peine une dizaine au Québec. « C’est dommage parce qu’on a tendance à traiter en priorité les problèmes d’apnée dans nos cliniques à cause des dommages cardiovasculaires. Pourtant, il est prouvé que l’insomnie a un impact sur les facultés mentales et le poids. C’est aussi un facteur de risque de dépression, sans oublier une cause d’absentéisme au travail » ajoute M. Morin. La Presse, 9 septembre 2011

Prévalence de la maladie mentale

38% des européens, soit quelque 165 millions de personnes souffrent d’une maladie mentale. L’étude qui a été menée par le Collège européen de neuropsychopharmacologie, est présentée comme la plus complète jamais réalisée en Europe. Elle portait sur 500 millions d’habitants des 27 pays de l’Union européenne, en plus de la Suisse, de l’Islande et de la Norvège. Matt Muijen, de l’Organisation Mondiale de la Santé, a toutefois prévenu que le chiffre de 38 % témoigne surtout d’une société stressée davantage que d’une prévalence de problèmes psychiatriques. Les problèmes les plus répandus sont les troubles anxieux, l’insomnie, la dépression, la toxicomanie et la démence. Seulement le tiers des gens touchés recevraient un traitement. Associated Press, 6 septembre 2011

Le facteurs du succès de la thérapie

Les différents courants en psychothérapie ont des taux d’efficacité semblables, à part certains problèmes, comme le trouble obsessif-compulsif, où l’approche cognitivo-comportementale semble convenir mieux. (Castonguay, Reid, Halperin & Goldfrield, 2003)

Les psychologues d’orientations différentes, utilisent concrètement dans leur bureau, plus d’interventions similaires que différentes. (Goldfried, Raue & Castonguay, 1998)

Voici quelques extraits d’un livre Principles of therapeutic change that work (édité par Louis-Georges Castonguay, Larry E. Beutler chez Oxford University Press, 2006) qui est le résultat du travail effectué par le « Task Force » subventionné par l’APA (association américaine de psychologie), dont l’objectif est de faire connaître les données scientifiques portant sur le traitement en psychothérapie.

La capacité d’empathie du thérapeute et l’alliance entre le thérapeute et son patient sont de bons prédicteurs de succès de la thérapie pour toutes les approches. (note de l’auteur : le client se sent en sécurité, il peut se dévoiler, faire face aux problèmes. Il apprend à tolérer les tensions.)

Le regard positif du thérapeute est une contribution appréciable au développement du patient. (NDL : favorise une perception nuancée positive et mobilisante et diminue les perceptions négatives stressantes qui sont souvent associées à une tendance à l’évitement.)

Le thérapeute ne doit pas utiliser l’interprétation de façon excessive (NDL : amener la personne à tolérer graduellement les tensions, en fonction de ses capacités, est l’élément le plus crucial et le plus difficile à réussir au niveau du développement psychique.)

Le thérapeute doit lui-même être en mesure de réparer les ruptures dans l’alliance de façon empathique et en faisant preuve de souplesse (NDL : « comme l’enfant, le patient a besoin de modèle » ; un bon thérapeute est capable de réguler ses émotions négatives.)

Un thérapeute trop conciliant, qui ne confronte pas directement les problèmes ou l’attitude dysfonctionnelle de son patient (pensées négatives, évitement, l’envahissement émotionnel, etc.), apportera peu de bienfait au patient. (NDL : le thérapeute évite alors avec le patient, ce qui ne permet pas de développer les forces intérieures à tolérer les tensions.)

Les traitements efficaces sont ceux qui se penchent sur les attributions négatives du patient, sur ses fausses croyances et sur les émotions qui y sont associés. (NDL : ceci permet au patient de prendre conscience des tensions qu’il se fait lui-même vivre.)

Le changement chez le patient est favorisé par l’aide du thérapeute qui lui apprend à accepter, tolérer et vivre pleinement leurs émotions. (NDL : développer l’auto-régulation face à nos propres réactions dans un premier temps).

À certains moments, les interventions du thérapeute qui favorise le contrôle des émotions est préférable (NDL : apprendre aux patients à tolérer les tensions ; lorsqu’il est submergé, réduire la stimulation, prioriser les stratégies qui favorisent l’apaisement.)

Les patients dont la personnalité est caractérisée par de l’impulsivité, de l’hyperactivité, une tendance à critiquer les autres font bénéficier davantage de la thérapie si celle-ci favorise l’acquisition d’outils pour gérer l’impulsivité. (NDL : réduire l’état submergé avant de le stimuler davantage par des prises de conscience.)

Les patients qui au contraire, ont des personnalités dont l’élément central est une recherche excessive de contrôle, sont indécis dans leur décision, vont préférer des interventions qui favorisent la conscience de soi, l’attachement.

À l’égard des troubles anxieux, les interventions qui favorisent la réduction de l’évitement et une exposition répétée aux situations qui génèrent de l’anxiété sont les plus susceptibles d’aider le patient (NDL : tolérer les tensions de plus en plus.)

Lorsque les troubles anxieux sont associés à des patients qui souffrent aussi de dépression, d’un trouble de personnalité, d’un abus de substance, le succès thérapeutique est diminué. (NDL : ces patients ne veulent plus être anxieux lorsqu’ils consultent, mais ils ont une tendance ancrée depuis longtemps à éviter les tensions et à se critiquer, ce qui ne leur permet pas de mieux tolérer celles-ci. Une bonne alliance avec le thérapeute est alors très importante, car il faudra confronter le patient face aux attentes irréalistes et l’amener à consentir à se mobiliser à nouveau. Il faut d’abord réduire les tensions internes, en réduisant l’auto-critique.)

Les thérapeutes qui sont capables de réguler leurs émotions négatives à l’égard du patient et du processus, qui font preuve de patience, qui ont une attitude engagée et chaleureuse à l’égard de ce dernier, qui font preuve de congruence et d’authenticité, augmentent les chances de réussite de la thérapie.

D’autres résultats sur les facteurs de réussite de la thérapie

Certaines interventions qui étaient spécifiques à certaines orientations, dont l’exploration émotionnelle, l’exploration des caractéristiques de l’attachement acquis durant l’enfance, apportent un résultat encore plus positif lorsque les autres approchent incluent ces interventions à leur pratique habituelle (Castonguay et al., 1996 ; Hayes, Golfried & Castonguay, 1996)

Note personnelle: Ce qui s’est traduit par l’ajout d’interventions favorisant l’introspection des émotions dans le mouvement cognitivo-comportemental, qu’on appelle aujourd’hui, la 3e vague.

Les trois grandes sources de dysfonctions psychologiques peuvent être résumées ainsi :

1. L’incapacité de concilier les différents aspects de nous-mêmes ou d’harmoniser nos tensions intérieures dans un fonctionnement cohérent et intégré. Voici quelques exemples de conflits internes : moral vs immoral, nos forces et nos faiblesses, autonomie vs dépendance, etc.

2. L’incapacité de symboliser et de conscientiser les sensations de notre corps. Certaines personnes n’ont pas conscience de leurs tensions physiques ou de ce qui provoque celles-ci ; ni de leur tension psychique telle que anxiété, colère.

3. L’activation de processus émotionnels maladaptés, souvent développés dans des situations traumatisantes (violence, abus, abandon, critiques, etc.). (Greenberg & Paivio,1997)