La douleur chronique

  • Introduction
  • Schéma de l’influence des pensées, émotions et des comportements de retrait sur la douleur
  • Fibromyalgie

LA DOULEUR CHRONIQUE ET FIBROMYALGIE

Nous vivons à une époque où nous commençons à réconcilier la physiologie pure avec la psychologie. Le phénomène de la douleur est un problème qui requiert à la fois de l’aide au niveau physiologique et psychologique car la douleur est une expérience complexe qui fait appel à des mécanismes physiologiques et à des facteurs émotionnels. Le patient qui est aux prises avec des douleurs vit une expérience désagréable dont les composantes purement physiologiques et psychologiques sont difficilement dissociables.

Nous vous présentons ci-dessous un tableau qui illustre comment la douleur est associée à des pensées et des émotions négatives, qui favorisent une tendance à l’évitement et une perte d’estime de soi (impuissance, inadéquacité). Cette insécurité se traduit par de l’hypervigilance et au plan physique, des tensions musculaires, qui accentuent la douleur à leur tour.

Nous commençons également à mieux comprendre la fibromyalgie. La théorie la plus plausible à l’heure actuelle est celle qui attribue cette hypersensibilité à la douleur à un dérèglement du métabolisme au niveau du système qui régit la douleur. Pour en savoir plus, voir un peu plus bas dans le texte.

Tableau de la douleur

FIBROMYALGIE

La fibromyalgie est un état pathologique qui se caractérise par des douleurs chroniques dans la musculature et les structures avoisinantes. En outre, les muscles, leurs enveloppes et leurs tendons présentent une très forte sensibilité à la douleur, à la moindre pression des doigts. Ce mal s’accompagne de nombreux autres troubles tels qu’une fatigue et un épuisement chroniques, des troubles du sommeil, des maux de tête, des picotements, une certaine surdité, des douleurs articulaires, des problèmes de mémoire et de concentration, un intestin irritable, de la dépression, des « jambes sans repos », des sensations de gonflement dans les mains et une plus grande sensibilité au froid. Le syndrome de fibromyalgie n’est pas une affection mortelle. De longues périodes de douleur chronique peuvent être interrompues par des phases d’amélioration, voir de disparition totale des troubles et des douleurs. Mais généralement, les troubles s’aggravent pendant quelques mois, puis restent stables à un certain niveau, mais ne disparaissent plus complètement. Presque tous les patients souffrant de fibromyalgie doivent s’accommoder d’une limitation assez prononcée de leurs fonctions corporelles. En terme de fréquence, 2 % de la population souffre de fibromyalgie et les femmes, souvent âgées entre 35 et 60 ans, sont sept fois plus atteintes que les hommes. Ce syndrome a été observé partout dans le monde. Il touche toutes les nationalités et tous les groupes humains de la même façon, indépendamment du statut social ou de l’appartenance ethnique.

Elle est la deuxième maladie rencontrée chez des patients qui consultent un rhumatologue. Presque un patient de rhumatologie sur cinq souffre d’un syndrome de fibromyalgie, chiffre considérable compte tenu du fait que ce syndrome reste encore mal diagnostiqué, voire méconnu. Malgré ces circonstances, le syndrome de fibromyalgie est plus fréquent que nombre de maladies auxquelles on accorde beaucoup plus d’attention telles que l’arthrite rhumatoïde, l’épilepsie ou la sclérose en plaques !

Causes

Les causes de cette maladie demeurent encore obscures. Selon une opinion répandue, certaines blessures (ou traumatismes) pourraient être la cause du syndrome de fibromyalgie. Les traumatismes les plus fréquents sont liés à un accident de voiture, de travail ou à une infection grave. Certaines études montrent que des traumatismes psychiques pourraient aussi en être une cause partielle. En particulier, on a trouvé une fréquence nettement supérieure de traumatismes psychiques dus à des abus sexuels pendant l’enfance. On a également trouvé une corrélation élevée entre victime d’abus sexuels dans l’enfance et intestin irritable et brûlements à l’estomac.

Depuis quelque temps, les recherches sur les mécanismes biochimiques et neurologiques de la fibromyalgie se sont multipliées. Les différents symptômes difficiles à cerner et les douleurs dans les tissus mous et musculaires ont conduit à penser que la fibromyalgie pourrait naître dans le système nerveux central. Le système nerveux central se compose du cerveau et de la moelle épinière. Il s’oppose aux nerfs périphériques qui partent de la moelle épinière et innervent abondamment la peau, la musculature et les os. Selon une hypothèse sur l’origine de la fibromyalgie, une perturbation des neurotransmetteurs, nécessaires au traitement de l’information, devrait s’observer dans le cerveau. Des recherches sont en cours. Cela expliquerait pourquoi il y a perception d’une douleur en l’absence d’un déclencheur de douleur. Selon cette théorie, les fibromyalgiques vivraient dans un état permanent de « fausse alerte à la douleur». Dit d’une autre manière, le seuil de perception de la douleur de ces personnes serait abaissé. On peut supposer qu’il s’agit néanmoins d’une modification de la perception douloureuse.

Par ailleurs, nous savons que le traitement de l’Information dans le système nerveux est souple et adaptable. Cela signifie que même des signaux de douleur peuvent être « appris », « mémorisés », « encodés » dans le cerveau : il arrive un moment où des douleurs chroniques sont considérées comme « normales » et se transforment en une perception permanente de douleur. Les chercheurs appellent « neuroplasticité » cette capacité de l’organisme. Depuis que la fonction de neuroplasticité est connue, la thérapie de la douleur a connu des transformations radicales : il est aujourd’hui reconnu que la douleur doit être traitée aussitôt et aussi complètement que possible si l’on veut éviter de rendre une douleur chronique par l’effet de la neuroplasticité du système nerveux, c’est-à-dire de sa capacité à apprendre. Pour cette raison, il est de la plus grande importance que la fibromyalgie soit détectée et traitée le plus tôt possible. Plus la douleur est ignorée, plus le risque est grand que son intensité augmente et qu’elle s’enregistre comme un programme dans le système nerveux central sur lequel on aura de moins en moins d’influence.

La substance P et la sérotonine

La preuve la plus convaincante de l’hypothèse selon laquelle la modification de l’équilibre entre les neurotransmetteurs joue un rôle important dans la genèse de la maladie est apportée par les études sur substance P. L’une de ces études a mis en évidence chez des fibromyalgiques des concentrations en substance P dans le liquide rachidien qui étaient trois fois supérieures à la normale. On est loin d’avoir établi que la sérotonine joue un rôle dans la genèse de la fibromyalgie. La sérotonine est un neurotransmetteur capable de déclencher de multiples effets dans l’organisme parce qu’il existe des récepteurs très différents à cette substance dans les cellules. Une chose est sûre, la sérotonine participe avec la substance P à la régulation du traitement de la douleur.

Si le métabolisme de la sérotonine est perturbé, l’intensité de la perception douloureuse peut se modifier de manière incontrôlable : une poignée de main, un infarctus ou une blessure cutanée peuvent provoquer des douleurs tout aussi fortes. Il en va de même pour l’équilibre de l’humeur et les personnes souffrant d’une modification de la teneur en sérotonine sont soumises à des variations d’humeur incontrôlables (manie, dépression, etc.).

De nombreuses études ont mis en évidence une insuffisance de sérotonine dans le sang des fibromyalgiques. Une corrélation a aussi pu être établie entre la teneur en sérotonine dans le sang et l’intensité de la douleur ressentie. Le fait que certains antidépresseurs exercent une influence positive sur le métabolisme de la sérotonine ainsi que sur la perception de la douleur souligne le rôle joué par ce neurotransmetteur dans la fibromyalgie. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) qui augmentent la quantité de sérotonine disponible aux points de contact des cellules nerveuses sont dans beaucoup de cas utilisés avec succès pour le traitement de la fibromyalgie.

Psychothérapie

La psychothérapie est généralement considérée comme un élément important de la thérapie contre la fibromyalgie. La « thérapie cognitive de restructuration » est une tentative d’approcher autrement la douleur et de mieux la surmonter. L’information systématique sur tous les aspects de la maladie en est un élément. Motiver le patient à prendre davantage d’initiatives personnelles fait partie du travail psychologique afin de stimuler d’autres connexions neuronales que celles reliées à la perception de la douleur. Détendre le corps, décrisper le patient, le libérer de ses peurs, développer les forces intérieures pour composer avec les stress et les tensions sont également d’autres éléments d’un travail psychothérapeutique.

Extrait de Bauer Johann A. Dre. Fibromyalgie En guérir, c’est possible. Guy Trédaniel éditeur, 2004, 191p.
Réf. : Marchand Serge, Le phénomène de la douleur. Éditions Elsevier Masson, 2009, 329p.